Sabine Meneut : Donner une seconde vie aux filets de pêche usagés
Petit matin d’hiver sur l’étang de Berre, près de Marseille. Sabine aide Mohamed à relever ses filets. « Alors, on a quoi ce matin ? Soles, rougets, merlans ? » demande la jeune femme au pêcheur. Au loin, les torchères des raffineries de pétrole donnent des reflets jaunes-orangés au ciel embrumé. « J’ai un peu de tout, on va aller les vendre sur le Vieux-Port de Marseille, répond Mohamed. Et je t’ai aussi désarmé un vieux filet complètement usé.»
Les vieux filets de pêche. Voilà les objets qui intéressent Sabine depuis sept ans. La jeune femme les récupère avec l’aide des pêcheurs artisanaux de Méditerranée, pour leur donner une seconde vie. Alors qu’elle venait de s’installer dans la sud de la France, c’est lors d’une plongée sous-marine à La Ciotat que Sabine s’étonne de croiser un vieux filet de pêche, à la dérive au milieu de quelques sacs plastiques. Pourquoi des filets sont-ils abandonnés en mer ? Les pêcheurs les laissent-ils dériver ? Où jeter ces vieux filets, qui n’ont pas de conteneurs dédiés sur les ports ?
Après une courte enquête auprès des pêcheurs du Vallon des Auffes, une petite anse marseillaise, la jeune femme originaire de Guyane comprend que certains filets partent à la dérive car ils sont arrachés par des chalutiers imprudents, venus naviguer trop près des bouées posées par les pêcheurs artisanaux. En plus de la pollution plastique qu’ils génèrent, ces filets « pêchent » pendant au moins trois ans, privant ainsi les pêcheurs de ressources halieutiques. On les appelle des filets « fantômes ».
En 2020, Sabine devient directrice générale de Click Dive une entreprise qui promeut des bonnes pratiques dans le domaine de la plongée sous-marine. Dans son bureau basé à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), la jeune femme engagée peut développer ici ses idées. Dans l’entrepôt attenant à son bureau, deux tonnes et demi de filets de pêche attendent une seconde vie. « Ce sont les pêcheurs du coin qui me les amènent, raconte Sabine. Il y a un regard négatif très fort sur les pêcheurs, on pense qu’ils ne se soucient pas des déchets que génère leur métier. Alors qu’en fait, c’est la gestion des déchets de la pêche qui ne prend pas du tout en compte leurs contraintes du quotidien.
Avec Sabine, c’est chose faite. Une fois nettoyés par les salariés d’un chantier d’insertion, les filets sont transformés en granulés en Bretagne, puis réutilisés dans la fabrication de montures de lunettes, d’aiguilles de montres de luxe, ou encore de fil pour imprimante 3D. En plus de donner une seconde vie à ces filets et de lutter contre la pollution des mers, Sabine contribue à faire tomber les idées reçues sur la pêche artisanale, un secteur en déclin, qui doit plus que jamais faire face aux enjeux climatiques et économiques actuels, pour espérer un avenir serein.