
Interview de Juliette Dixo
Au printemps dernier, c’est avec une curiosité certaine que nous nous sommes penchés sur Clair de Lune, premier extrait de l’EP Collision de l’annécienne Juliette Dixo. 6 mois plus tard, les 3 autres pistes écoutées (en boucle) et le disque sorti, un constat s’impose : Avec son attrait pour la mélodie, ses textes intimistes et son sens de l’esthétique aussi bien sonore que visuel, Juliette est définitivement une artiste à suivre de très près. Entretien.
Tout d’abord pourrais-tu me résumer ton parcours ? Qu’est-ce que tu fais en dehors de la musique ?
Alors en parallèle de la musique, je suis éducatrice spécialisée. C’est un métier qui me passionne. Je travaille actuellement dans une école qui accueille des jeunes neuro atypiques et qui ne rentrent pas dans le système ordinaire. Mon métier m’inspire beaucoup pour écrire.
Auparavant passée par le jazz, tu expérimentes désormais des sonorités davantage pop, comment s’est faite la transition ?
J’ai beaucoup appris avec le jazz. C’est une formation qui m’a permise de travailler mon oreille et de m’aventurer dans l’improvisation.
Je suis amoureuse des voix timbrées de ces femmes qui scatent sur ces magnifiques mélodies. Je fais aujourd’hui de la pop française car j’ai eu le besoin de m’exprimer en français et dans un tout autre style. J’avais envie de créer mes propres mélodies et de transmettre mes convictions et ressentis à travers des sons plus actuels.
En écoutant tes morceaux, aussi bien avec tes reprises en jazz que ceux de l’EP Collision, tu sembles à l’aise quel que soit le genre musical. Je suppose que tes sources d’inspiration sont hyper éclectiques ?
Alors, à l’aise au départ on ne l’est pas vraiment et les choses se construisent avec le temps…
Mais oui, j’écoute vraiment de tout. Je reviens souvent vers mes fondamentaux mais je varie également beaucoup les styles car chacun m’amène vers une émotion différente. Si j’écoute du Barbara, je sais pertinemment que je vais pleurer !
Si j’écoute du classique, je replonge dans mon enfance, si j’écoute The Blaze, j’ai envie d’ouvrir une bonne bouteille et danser !
Quels que soit les styles, je suis essentiellement attachée aux mélodies, aux harmonies.
Comment s’est déroulé la conception de ton EP ? A qui doit-on les instru des 4 titres ? Quel a été le temps nécessaire pour boucler le projet ?
La première étape a été d’oser.
Au début, tu écris des mots, puis des phrases, des rimes, puis tu définis le sujet que tu veux développer. J’ai commencé à marier mes accords au piano avec mes paroles. J’ai composé les 4 morceaux de l’EP. Ensuite, j’ai eu la chance de croiser la route de Jérémy Rassat (producteur des Pirouettes) qui a arrangé mes morceaux.
C’est très important de trouver une personne qui va comprendre et respecter ton projet tout en laissant l’espace à la couleur que cette personne souhaite ajouter.
Avec l’étape du mix et du mastering, il a fallu un an pour tout boucler.
La thématique prédominante de ton EP c’est la différence, le fait de ne pas être dans la norme. Penses-tu que c’est un sujet qui n’est pas suffisamment abordé dans la société, ou du moins pas de manière assez frontale ?
Oui, la différence est un sujet qui m’anime beaucoup et c’est mon combat de tous les jours. Mon métier fait aussi que je rencontre des jeunes en souffrance et je me rends compte de la fragilité de ces adolescents. D’autre part, mon propre parcours a été très compliqué et je connais la raison aujourd’hui. Je suis convaincue que notre système éducatif a besoin d’un nouveau souffle. Les méthodes d’apprentissages ne sont à mon sens pas assez différenciées. Je me battrai pour qu’on puisse orienter les apprentissages et le discours de l’adulte autour de l’intelligence émotionnelle. On ne peut pas apprendre si on ne connait pas son propre fonctionnement. Aussi, l’empathie, être bien avec les autres, me semble une étape essentielle pour le bien-être de n’importe quel jeune.
Je pourrais parler des heures sur ce sujet et vous raconter milles histoires pour vous expliquer. Mais si déjà ma musique peut servir d’outil de communication alors c’est l’essentiel !
Tes clips sont visuellement soignés. Peux-tu me raconter la réalisation de Clair de Lune, dont l’un des spots s’avère être l’aéroport d’Annecy.
« Clair de Lune » est le titre que nous avons le plus mis en avant. J’ai pris le temps de rencontrer le réalisateur, Thomas Wood, afin qu’il puisse écouter l’histoire de ce titre qui me tient beaucoup à cœur. J’ai effectivement frappé aux portes de l’aéroport d’Annecy pour leur expliquer le projet. La piste d’atterrissage correspond à la route de bitume dont je parle dans ce morceau : « Ce soir, pas d’au clair de la lune, le caméléon marche sur la route de bitume »
Le caméléon en question, c’est Guillaume qui a tourné ce clip avec moi. C’est un jeune que j’ai accompagné en tant qu’éducatrice et je souhaitais évoquer son parcours de fou.
Tes récents coups de cœur musicaux ?
Les 2 dernières claques que j’ai reçues musicalement : Lolo Zouaï. Les prod’ de ses morceaux sont incroyables et sa voix me transporte. Puis, Johan Papa Constantino, complétement fan !
Dans un style que je n’avais pas l’habitude d’écouter, James Blake par exemple.
Après sans que ce que soit vraiment récent, je redécouvre grâce aux vinyles des chanteurs ou groupes que je n’avais pas pris le temps d’écouter vraiment : Nekfeu, Jazzy Bazz, Loyle Carner, Tom Misch…
Quels sont tes futurs projets ?
Je me concentre sur l’album mais je ne peux rien dire pour le moment.
J’ai beaucoup d’envies et d’idées et je travaille au quotidien avec mon équipe pour mettre tout cela en forme !
BONUS :
Les trois plus beaux albums de tous les temps ?
J’aurais aimé en mentionner 10 !!!
- – Random Access Memories des Daft Punk
- – Starportrait de Stan Getz et Astrud Gilberto
- – Franck et Back to Black (allez on triche ça fait 4) d’Amy Winehouse
Des films et/ou séries à nous proposer ?
Dernièrement j’ai regardé Orthodox et dans un registre bien plus léger Family Business.
Niveau cinéma, mon dernier coup de cœur c’est Laurence Anyways de Xavier Dolan.
Un shop d’Annecy à nous conseiller ?